"La violence des droits de l'homme la plus honteuse se caractérise sans doute par la violence à l'égard des femmes", écrivait l'ancien secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan. Et en Nouvelle-Calédonie, ce fléau a pris des proportions inquiétantes. A tel point d'ailleurs que le président du gouvernement, Thierry Santa, à déclaré la lutte contre ces violences grande cause de la mandature 2019-2024.
Et il y a urgence. Car les chiffres sont catastrophiques. En 2018, 1233 plaintes pour violences conjugales ont été enregistrées par les forces de l'ordre en Nouvelle Calédonie. C'est exactement autant que pour tout le département des Yvelines, qui compte 1 million 700 000 habitants. Et sur les 10 premiers mois de cette année 2019, les violences intra familiales ont encore progressé de près de 15%.
Ce matin à l'UNC l'amphi 400 était donc bondé. Acteurs institutionnels, politiques, coutumiers, associatifs s'étaient donné rendez-vous pour commencer à dessiner les contours d'une action conjointe. C'est tout l'intérêt de la démarche nous a confirmé le haut-commissaire Laurent Prévost. "L'intérêt d'une démarche comme un grenelle, ... c'est vraiment de mobiliser l'ensemble des forces vives d'un Territoire autour d'une cause où il y a précisément besoin de cette mobilisation.".
Organisé par le gouvernement, ce Grenelle avait pour objectif de restituer le travail des ateliers qui ont réuni depuis le mois de septembre plus de 120 participants, avec au bout plusieurs dizaines de recommandations concrètes et une seule ambition : faire changer les mentalités. Isabelle Champmoreau est membre du gouvernement en charge notamment de la lutte contre les violences intra familiales. "On peut être dans les dispositifs, les outils pour aider les victimes, aider aussi leurs enfants parce que ça a un impact important sur toute la famille mais il a été aussi abordé de manière très large l'éducation, de la prévention parce que c'est très lié à l'image de la femme dans la société, que ce soit au niveau professionnel, politique. Je dirait même l'image du corps de la femme.".
Le discours contre les violences est ancien et les bonnes volontés nombreuses en Calédonie, mais la mutualisation des moyens et des bonnes volontés c'est plutôt nouveau, nous a confirmé le procureur de la République Alexis Bouroz. "Ce qui est nouveau c'est, effectivement, la connexion qui est faite entre les différents acteurs. Chacun fonctionnait de manière un peu cloisonné jusqu'à présent, à savoir le monde judiciaire et les services d'enquête, d'un côté. Parfois en lien avec des associations mais pas particulièrement et certainement pas avec les élus, et les établissements, et les structures publiques et para publiques. Et là, on a un mouvement de fond qui se dessine, qui est salutaire, puisque ça va être à la fois, une synergie des moyens mais surtout, ça va permettre une évolution des mentalités...".
Et en effet le président du sénat coutumier était présent ce matin. Hippolyte Sinewami qui a rappelé publiquement le caractère sacré de la femme dans la culture kanake. "Au delà de donner la vie, c'est l'élément essentiel aussi dans la culture Kanake qui opère tout au long de la vie déjà au niveau de la naissance jusqu'au mariage, jusqu'au décès. Donc tout revient au lien de sang. Donc le sacre est déjà quelque part encré dans les entrailles de tout homme et perpétué par les enfants."... "Le message dans tout ça c'est qu'on exclut toutes formes de violence. Il n'y a pas de petite violence ni de grande violence.... Le milieu coutumier exclut toutes formes de violences".
Changer les mentalités est donc l'objectif central de ces travaux et cela doit d'ailleurs commencer dès le plus jeune âge. D'où le rôle capital de l'école dans ce domaine nous a dit le vice-recteur Erik Roser. "L'école joue un grand rôle de part l'éducation qu'elle porte, de part ses missions fondamentales qui consistent à faire en sorte que chaque jeune prenne conscience que sa future vie d'adulte l'amène à avoir vis à vis de toutes les situations qu'il rencontre, une position de distance et qu'il constate que les conflits ne se gèrent pas par la violence."
Je vous le disais plus de 90 mesures ou recommandations sont remontées des ateliers avec un objectif d'action immédiate. Exemple avec la province sud qui a décidé d'ouvrir dès l'année prochaine un nouveau foyer d'accueil pour les victimes. Gil Brial est le 2ème vice-président de la province sud.
Autre annonce attendue celle d'un nouveau dispositif technologique appelé TGD pour téléphone grave danger. Développé avec l'OPT, il permettra de fournir aux victimes un téléphone mobile qui disposera d'un bouton d'urgence relié aux autorités en cas de danger. La saisie des armes à feu au domicile des conjoints violents va également être systématique.