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Après deux semaines d’un procès d’assises qui restera comme l’un des plus singuliers de l’histoire judiciaire calédonienne, la cour a entendu hier les derniers témoins de l’affaire Pérès. Au total, 27 témoins ont raconté leur version des faits, o...
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« La loi ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels ils se sont convaincus. Elle leur prescrit de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : « Avez-vous une intime conviction ? »
Cet article 354 du code de procédure pénale, la présidente Magherbi devra le lire tout à l’heure, lorsque les débats seront clos et que la cour et les jurés se retireront pour délibérer. Jamais, sans doute, dans la longue chronique judiciaire des crimes passibles de la perpétuité en Nouvelle Calédonie, cette notion n’aura été aussi importante.
Car force est de reconnaître que les nombreux incidents, suspensions d’audiences, décalages de témoins et visioconférences tardives n’ont pas favorisé la fluidité des débats, et sans doute pas non plus la clarté des impressions faites sur les jurés.
L’autre difficulté, pour ne pas dire la principale, consiste à deviner à quel point le premier procès aura pollué le second, aussi bien dans la sincérité des témoignages que dans les réponses apportées aux questions de la cour d’assises. Car ce procès en appel, en réalité, n’a rien à voir avec le premier, à commencer par l’attitude de l’accusé. Arrogant, presque vindicatif il y a un an, Olivier Péres avait aussi cherché en publiant un livre l’acquittement de l’opinion publique. Hier soir, diminué, fatigué et d’une voix sourde, il a demandé pardon au fils unique d’Eric Martinez, après avoir répété pendant toute la première semaine de ce procès qu’il ne s’expliquait pas lui-même, cette décision complètement invraisemblable dit-il d’aller sur le golf de Tina à la rencontre de Martinez armé d’un fusil de chasse et de quatre cartouches de chevrotine.
Le contraste est saisissant, et la partie civile a multiplié au cours de débats les allusions à ce virage à 180 degrés, émettant des doutes sur de nombreux témoignages qui ont employé peut-être un peu trop les mêmes mots, y compris pour décrire des faits qu’ils n’avaient pas relaté il y a un an.
Dans ces conditions, la partie civile n’avait d’autre choix hier soir que de demander aux jurés de se concentrer sur le dossier, toujours le dossier, et rien que le dossier, requête résumée d’une formule par maître Martin Calmet : « ce dossier, c’est le concours Lépine des hypothèses ».
Car au fil des débats de ces dix derniers jours, les vérités se sont composées, décomposées, recomposées, laissant après chaque témoignage un sentiment de frustration, l’impression diffuse qu’à la fin, il n’y aura pas une vérité mais plusieurs, presque autant que d’acteurs et de témoins de cette affaire.
Faut-il pour autant renoncer ? Ce n’est pas le genre d’Isabelle Mimran, avocate pénaliste de renom qui hier soir, anticipant les plaidoiries de la défense qui demanderont aujourd’hui aux jurés de se poser la question de la légitime défense, a tenté de démontrer qu’Olivier Pérès, expert des opérations chirurgicales compliquées, avait très bien pu manipuler tout le monde, et que le diable, finalement, ce devait être lui. Elle en a, en tous cas, l’intime conviction.


Gilles Ménage

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Procès Pérès. Le "concours Lépine des hypothèses"