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"Nous devons, collectivement, affronter le 3ème référendum dans la paix et la sérénité."
C'est ce qu'affirme Pierre Frogier dans une déclaration politique prononcée ce jeudi, à Boulouparis.

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Il faut, selon Pierre Frogier, commencer par affirmer face à face, les yeux dans les yeux, sans intermédiaire, que les deux camps n’ont aucune chance d’imposer durablement leur loi sans l’autre et contre l’autre. "En mémoire de cette ineffaçable poignée de main, dit-il, nous nous devons cette vérité, notre vérité globale."
Une déclaration solennelle, faite en présence de nombreuses personnalités, signataires de l'Accord, maires ou anciens maires.


Cette déclaration a été précédée d'un dépôt de gerbe devant la stèle à la mémoire du jeunes Yves Tual qui avait été assassiné à l’âge de 17 ans, le 11 janvier 1985.
Pierre Frogier rappelle que ce drame a été un tournant décisif dans la période tragique que connaissait la Calédonie à l'époque. Une réaction violente s’en est suivi rappelle-t-il et malgré tout, la sagesse des hommes l’a emporté.


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La déclaration de Pierre Frogier :


"A moins de 15 jours du troisième référendum, nous avons décidé de nous retrouver ici à Boulouparis, près de la stèle élevée en la mémoire d’Yves Tual, assassiné à l’âge de 17 ans, le 11 janvier 1985 sur la propriété de ses parents à quelques kilomètres d’ici dans des conditions que je ne souhaite pas évoquer.
Mais ce fut un tournant décisif dans la période tragique que nous connaissions. Une réaction violente s’en est suivi et malgré tout, la sagesse des hommes l’a emporté.
Si nous sommes ici, à la veille du 12 décembre, c’est pour rappeler que les vies d’Yves TUAL, James FELS à Thio, Henri MEZIERES à Ouegoa ne doivent pas avoir été arrachées pour rien.
Nos pensées s’adressent, aussi, aux familles du camp d’en face qui ont souffert.
Nous n'avons pas traversé toutes ces épreuves et tous ces drames pour faire comme si de rien n'était.
Nous n'avons pas choisi l'apaisement pour, plus de trente ans après, rouvrir de vieilles blessures.
Nous n'avons pas signé les accords de Matignon et de Nouméa, pour prendre le risque de recréer les conditions de l'affrontement.
Car notre terre ne doit plus jamais connaître les drames que notre génération a vécus.


C’est bien pourquoi la contestation de la date du troisième référendum, par le FLNKS, au motif de la crise sanitaire, ne doit pas constituer un obstacle de plus, pour ne pas assumer une échéance que nous devons, collectivement, affronter dans la paix et la sérénité.


Il est vrai que, depuis le mois de septembre, la mort a frappé indistinctement et chacun compatit à la douleur de celles et ceux qui ont été ainsi profondément meurtris.
Et si la communauté humaine que nous composons, enracinée dans le pluralisme de ses identités, ne réagit pas de la même façon à cette épidémie, nous communions tous dans une semblable douleur.
Mais l’évolution positive de la situation sanitaire facilitée par les décisions du gouvernement local et la solidarité nationale qui n’a pas manqué, doit nous rassurer et nous convaincre de respecter cette échéance démocratique.


Pour un territoire fissuré par une polarisation identitaire exacerbée par les référendums clivants de 2018 et 2020, qui connaît par ailleurs des crises budgétaire, économique et de confiance en son avenir, l’échéance du 12 décembre peut représenter une planche de salut car nous ne trouverons pas le chemin d’un nouveau dialogue en continuant d’attiser les tensions et d’opposer les uns aux autres.


En appelant celles et ceux qui veulent exprimer leur amour de la France à se mobiliser massivement, les loyalistes permettront de clore ce processus référendaire, et les indépendantistes, quant à eux, en prônant une non-participation, éviteront que la campagne de confrontation ne dégénère et ne compromette tout espoir d’un nouvel accord.
En ce sens cette non-participation revêt un caractère positif parce qu'elle peut être un facteur d'apaisement.


Se posera alors, la question de parvenir à créer un environnement favorable pour que les différentes parties s’assoient autour de la table du dialogue et donc se mettent d’accord sur le bien-fondé d’une telle rencontre.
En effet en installant la pleine souveraineté comme seule issue de l’Accord de Nouméa, et l’Etat comme seul interlocuteur au titre du règlement du "contentieux colonial ", le FLNKS a érigé son partenaire en adversaire, et rompu cette exception calédonienne de recherche du consensus et de partage des responsabilités dans la vie institutionnelle.


Selon nous, pour sortir de cette crise existentielle, nous devons commencer par affirmer face à face, les yeux dans les yeux, sans intermédiaire, que les deux camps n’ont aucune chance d’imposer durablement leur loi sans l’autre et contre l’autre.
En mémoire de cette ineffaçable poignée de main, nous nous devons cette vérité, notre vérité globale.


Nous devons ensuite admettre que tous les problèmes associés à nos identités plurielles ne peuvent se résoudre sur la base des principes de la majorité.
Ce que nous avons tenté, c’est uniformiser en écrasant les différences, ces différences qui font la variété et la richesse de l’humanité.
Ce que nous devons rechercher c’est les tisser entre elles pour les harmoniser.


En conséquence, il faut repenser notre modèle du vivre-ensemble en procédant à un ajustement de nos institutions avec l’éclairage des deux drapeaux : ce nouveau modèle sera celui du vivre-ensemble dans la pluralité.
Cette adaptation donnera à la population de chaque province, la possibilité de trouver des solutions aux problèmes les plus élémentaires de la vie quotidienne et le gouvernement local jouera un rôle de régulateur et de cohésion.
En 1988, la paix civile a été retrouvée grâce à la création des provinces. Demain elles seront les pièces maîtresses du vivre-ensemble.


Cette adaptation permettra, par ailleurs, d'instaurer une loi électorale juste et représentative. C’est un impératif.
Elle rendra possible l'aménagement du statut personnel dans le code civil pour renforcer le sentiment de citoyenneté, libérer l’individu du carcan communautaire et favoriser l’aspiration légitime à une communauté de destin. C’est nécessaire.


Mais seule la paix intérieure permettra à chacun de faire valoir ses droits et le garant de cette paix ne peut être que la République française.
Il n’est pas d’autre arbitre.
Cette garantie n’est pas seulement indispensable : elle s’impose en fait.
Et ce fait commande le salut de tous.


Faute d’avoir réussi le mariage d’amour, employons-nous à réussir un mariage de raison".


Pierre FROGIER

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"Réussir un mariage de raison"