Il y a de l'électricité dans l'air et c'est normal.
La visite du ministre des outremers est présentée comme décisive et c'est le moment, pour chacun, de se faire entendre à la veille des séquences de négociations que Manuel Valls doit présider cette semaine.
Des négociations tripartites ou non ? Telle est la question !
Mais d'ores et déjà, c'est un autre format qui a été choisi. En prenant pour interlocuteurs les groupes politiques du congrès, et même au-delà, le ministre des outremers complexifie le jeu.
Le principe des accords de Matignon et de Nouméa, c'était trois interlocuteurs, l'Etat, le RPCR et le FLNKS mais aujourd'hui, ce sont six délégations qui se retrouvent face à l'Etat et ça ne va pas être simple...
Entre des indépendantistes qui ne veulent parler que de pleine souveraineté et des partisans de la France qui – forts des 3 référendums – exigent le maintien de la Calédonie au sein de la République française, la voie du compromis est étroite.
Mais Manuel Valls affiche un bel optimisme et il parle d'aspirations qu'il croit réconciliables. "Je comprends à la fois les aspirations à la pleine souveraineté des indépendantistes et le profond attachement à la France de nos compatriotes qui sont contre l'indépendance" a-t-il déclaré, avant sa visite, lors de son audition par la Commission des lois de l'Assemblée nationale.
Il a même avoué "Je me suis mis – même si ce n'est pas évident – dans la tête de chacun pour essayer de comprendre comment on peut avancer."
Se mettre dans la tête de chacun, c'est un véritable exploit et c'est même un truc à devenir schizophrène.
Mais depuis deux jours, le ministre n'a plus besoin d'être dans la tête des indépendantistes et des partisans de la France. Il les a face à lui, directement, et le contact est parfois rugueux, comme au Mont Dore où le ton est monté entre le ministre et les responsables Loyalistes. Et pourtant, Manuel Valls le sait bien. Il faut faire attention aux mots que l'on emploie et, surtout, en Nouvelle-Calédonie où la sémantique a souvent été la source de nombreuses ambiguïtés.
A titre d'exemple, il ne faut pas confondre "émancipation" et "indépendance". Il faut définir précisément ce qu'est "la décolonisation". Il faut éviter les expressions honnies comme "indépendance-association" et il vaut mieux parler de "peuple kanak" que de "peuple premier". La liste n'est pas exhaustive et les chausse-trappes sont nombreuses. Le ministre des outremers l'a appris à ses dépens.
Mais plus que jamais, la clarté est nécessaire. On mesure tous les jours les affres dans lesquelles nous ont plongés les ambiguïtés, les ambivalences et les imprécisions de l'Accord de Nouméa et on ne peut pas recommencer de la même manière.
Plus que jamais il faut entendre Albert Camus qui mettait en garde : "Mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde."